Processus de reconnaissance, l'exemplarité du modèle français

MOURAD PAPAZIAN
Président du Parti Dachnaktsoutioun Europe occidentale

Votre Sainteté, Monsieur le Président, Messieurs les ministres, sénateurs, députés, madame et messieurs les ambassadeurs,

Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue dans ce superbe lieu et ô combien symbolique du Sénat. J'ai la charge et le plaisir de vous faire part très rapidement du vaste sujet " processus de reconnaissance, l'exemplarité du modèle français ". Et c'est pour nous un véritable motif de fierté d'avoir participé avec succès et efficacité aux avancées de l'action pour la résolution de la cause arménienne qui passe par la reconnaissance du génocide arménien par la Turquie et la prise en compte des facteurs liés aux réparations qui s'imposent.

L'action pour la reconnaissance internationale du génocide arménien a été engagée de manière organisée et systématique depuis 1965, avec la création du CDCA, alors que les relations politiques avec des partis et des personnalités françaises avaient déjà été impulsées. 1965 marque la définition d'une stratégie globale pour une reconnaissance internationale du génocide arménien et chacun des CDCA commencera à mener des campagnes d'information afin de faire connaître et reconnaître la réalité du génocide arménien. Action difficile compte tenu de la vigilance du gouvernement turc qui a pesé de tout son poids géopolitique, un poids extrêmement lourd en période de guerre froide, pour étouffer l'expression de la revendication arménienne. Et, de mémorandum en mémorandum, de conférence en conférence, de campagne d'information en campagne d'information, de contacts en contacts, laborieusement, mois après mois, année après année, décennie après décennie, de proposition de loi en proposition de loi, nous arrivons à cette fameuse année 1998 au cours de laquelle le groupe socialiste à l'Assemblée nationale décide d'utiliser une procédure nouvelle appelée " fenêtre parlementaire " ou " niche parlementaire " et qui permet à un groupe parlementaire d'inscrire une question à l'ordre du jour sans l'aval du gouvernement. En France, c'est le gouvernement qui maîtrise l'ordre du jour de l'Assemblée nationale soit en amenant ses " projets de lois ", soit en validant les " propositions de loi " des parlementaires. C'est la raison majeure pour laquelle, la question n'avait jamais pu être inscrite à l'ordre du jour parlementaire. Aucun gouvernement français ne souhaitant prendre une telle initiative. Dans ce cas précis, l'initiative était d'ordre parlementaire, et, constitutionnellement, le gouvernement n'a pas compétence à réagir.

C'est ainsi que le 29 mai 1998 l'Assemblée nationale adoptait, en première lecture et à l'unanimité, la proposition de loi reconnaissant le génocide arménien sur la base du texte suivant : " La France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 ". Et, constitutionnellement, pour qu'une proposition de loi devienne loi, elle doit être validée par le Sénat dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler " la navette parlementaire ". Le 29 mai 1998, nous n'avions donc fait que le tiers du chemin. Et c'est la que le combat recommence puisque le gouvernement turc intensifie ses pressions politiques, diplomatiques et économiques. C'est là que le lobby pro-turc entre véritablement en scène. C'est à ce moment enfin que le complexe militaro-industriel se déploie pour tenter de mettre un terme à notre action.

A ce moment là, la communauté arménienne de France est l'objet de très lourdes pressions. Et comme nous sommes une communauté unie et organisée, nous avions construit tous ensemble, pour mieux faire avancer la question de la reconnaissance du génocide, le Comité du 24 Avril qui regroupait toutes les organisations et les partis politiques arméniens. Structure d'union, formidable espace de réflexion, d'échanges et d'action, le Comité du 24 Avril a permis à la communauté arménienne de présenter un front uni. C'était la condition incontournable de la victoire. Pour augmenter les chances de succès, un partenariat opérationnel a été signé avec le CDCA. C'était l'alliance de l'union et de l'expérience. L'alliance du regroupement et de l'expertise. L'alliance du consensus et de l'action.

A partir de ce moment là, nous avons bâti une stratégie de la victoire.

Nous avions décidé de démontrer que toute la communauté était mobilisée et nous avons organisée de nombreuses manifestations au cours desquelles nous avons rassemblé jusqu'à 20 000 personnes.

Nous avions décidé de démontrer que la reconnaissance du génocide arménien avait une dimension universelle et dépassait largement le cadre arménien. Et nous avons réussi à rassembler autour de cette cause l'opinion publique française, les forces politiques, les syndicats, des intellectuels, des artistes, nos amis grecs, chypriotes et assyro-chaldéens.

Nous avions décidé d'inscrire notre action dans la durée et une tente d'information a été installée devant le Sénat pendant neuf mois au cours desquels 100 000 pétitions ont été signées par les passants.

Nous avions décidé de communiquer notre détermination aux autorités françaises et au cours de tous nos entretiens, à l'Elysée, auprès du 1er Ministre, à la Présidence du Sénat, nous affirmions que nous étions prêts à aller jusqu'au bout, tous ensemble, unis et de plus en plus forts.

Nous avons également réussi à faire partager dans le pays la légitimité de notre mobilisation.

Pendant toute cette période, nous avons dit ce que nous faisions et ce que nous allions faire et nous avons fait ce que nous avions dit.

Et, le gouvernement français, la Présidence de la République ont finalement pris la mesure et l'ampleur du mouvement qui s'était développé au sein même de la société française.

C'est la raison pour laquelle, à son tour, le Sénat adoptait, le 8 novembre 2000, deux ans et demi plus tard, toujours dans le cadre de la " fenêtre parlementaire ", une proposition de loi aux termes identiques à celle adoptée le 29 mai 1998 par l'Assemblée nationale. Et cette nouvelle " fenêtre parlementaire " imposait un nouvel examen par l'Assemblée nationale. Et le 18 janvier 2001, l'Assemblée nationale validait de nouveau la proposition de loi qui était enfin adoptée. Elle sera promulguée le 29 janvier avec la signature du Président de la République.

Cette victoire a été obtenue grâce à 5 facteurs majeurs :

  • Premièrement, l'union organisée, structurée et sans faille de notre communauté.
  • Deuxièmement, la détermination que nous avions posée comme un préalable de base au succès.
  • Troisièmement, l'action qui était le fondement de notre stratégie.
  • Quatrièmement, l'inscription de la campagne dans la durée.
  • Cinquièmement, la montée en force progressive de la campagne.

Pendant toute cette période, nous avons pu mesurer tous les efforts déployés par le gouvernement turc, que ce soit par d'intolérables pressions exercées sur un certain nombre d'Etats et d'institutions internationales dans le but d'imposer sa politique négationniste, que ce soit par la création artificielle de comités de réconciliation arméno-turcs ou de forum pour le rapprochement des Arméniens et des Turcs dans le but d'étouffer les revendications arméniennes.

Que les choses soient claires. Nous sommes favorables au processus de réconciliation arméno-turc à condition que la réconciliation soit fondée sur la volonté de résoudre les problèmes qui opposent le gouvernement turc au peuple arménien. La reconnaissance du génocide arménien est un préalable incontournable à tout processus de réconciliation qui doit reposer sur un dialogue politique arméno-turc avec en ligne de mire des perspectives extrêmement précises prenant clairement en compte la résolution de la cause arménienne. Mais pour cela, il est nécessaire que la Turquie change et prenne la décision de revisiter sa propre histoire pour mieux prépare l'avenir. Nous observons la Turquie de très très près et nous avons le regret de constater qu'elle s'obstine, que ce gouvernement s'obstine à rester sur la voie de la négation qui a été la voie traditionnelle des gouvernements qui se sont succédés en Turquie depuis plusieurs dizaines d'années. Et ce gouvernement s'obstine à refuser et condamner lui-même tout processus de réconciliation.

Merci pour votre attention et j'espère avoir été assez concis.




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